Si vous deviez décrire notre planète à un extraterrestre, qu’est-ce que vous lui diriez ? Quelle innovation, réaliste ou non, faciliterait grandement votre quotidien ? Si vous pouviez faire enseigner quelque chose dans toutes les écoles du monde, qu’est-ce que ce serait ? En 2016, Cyril Bruyelle écrivait une liste de 20 questions qu’il allait poser à travers la planète. Il détermine quelques thèmes : les peurs, les besoins, l’éducation, le futur, la religion, le bonheur, les rêves. Pour chaque thème, il pense à la question la plus ouverte possible, avec cette volonté de faire un petit pas de côté, en tentant de mettre les gens en situation, de les rendre acteurs de leur réponse. L’enjeu : être compris par tous, partout. Avons-nous tous les mêmes rêves, les mêmes aspirations ? Qu’est-ce qui nous rapproche ? C’est ce qu’il a tenté de comprendre en se lançant dans l’aventure, pour essayer d’appréhender “ce drôle de monde”. “Je me suis dit que, peut-être, la somme des subjectivités me donnerait une once d’objectivité”, s’amuse-t-il.
“J’ai voyagé un an autour du monde. Au cours de cette année, j’ai visité une vingtaine de pays et réalisé les 500 premières interviews, du nomade mongol à un ancien président en Bolivie, en passant par Éric Dupond-Moretti, jusqu’aux dealers dans les favelas de Rio”. Un panel très varié de profils, une expérience humaine très riche. “Je n’ai pas mieux compris le monde, mais ça m’a donné foi en l’être humain. Je suis rentré assez optimiste de ce voyage”.
C’est ainsi que la mission de l’organisation 20 questions to the world s’est naturellement orientée vers la création de liens, “parce que quand on s’intéresse à l’humain individuellement, il y a beaucoup de choses intéressantes qui en ressortent, beaucoup de bonnes volontés, d’envie de bien faire”. Depuis, l’organisation a développé plusieurs savoir-faire, notamment l’audiovisuel, puisque toutes les interviews sont filmées, l’événementiel en créant des installations dans l’espace public et les programmes pédagogiques partout dans le monde qui ont touché plus de 8000 enfants à ce jour. Toujours dans le but de rapprocher les gens.
À son retour, Cyril Bruyelle a proposé à ceux qui le souhaitent de reprendre le flambeau et de poursuivre le questionnaire. Depuis, ce sont une vingtaine d’équipes de voyageurs qui sont parties poser des questions à travers le monde, ce qui porte aujourd’hui à plus de 2000 le nombre d’interviews réalisées. Antoine, le premier à avoir répondu à l’appel, aujourd’hui associé dans l’organisation, a pour sa part souhaité s’adresser aux enfants. C’est ainsi qu’il est allé chercher les questions à poser dans des classes françaises. Il en a fait un questionnaire adapté, avec 20 questions issues de propositions d’écoliers, qu’il est allé poser à des enfants à travers le monde avant de revenir en France rapporter les fruits de sa récolte. Les programmes pédagogiques mis sur pied ont ainsi perduré plusieurs années.Il s’agissait de créer des ponts, des connexions entre enfants du monde entier pour, dès le plus âge, travailler sur ces notions d’ouverture à l’autre et de compréhension mutuelle.
Le travail a ainsi été décliné sur d’autres thèmes comme celui des femmes, toujours à partir d’une base commune de questions universelles.
Cette compilation a permis la sortie d’un livre en 2019, “Nous, humains !”, dans lequel sont notamment analysées les 500 premières réponses données. On y apprend par exemple que 70% des personnes interrogées, tous horizons confondus, sont plutôt pessimistes quand il s’agit d’imaginer le monde en 2100. Sauf les Russes, qui eux pensent qu’il sera à peu près similaire à aujourd’hui. “À la lumière de leur histoire, où les dirigeants se suivent et se ressemblent”, explique Cyril Bruyelle. “On voit à quel point un système politique peut influencer la vision de l’avenir”.
Autre tendance géographique qui se dessine, c’est celle du bonheur en Mongolie où, à la question “Qui, selon vous, est la personne la plus heureuse du monde ?” 60% de la population interrogée répond “moi” ! Là où on ne dépasse guère les 10 ou 15% ailleurs dans le monde.
La réponse qui aura le plus fédéré est celle sur l’innovation. Quelle innovation, réaliste ou non, faciliterait grandement votre quotidien ? Là, une écrasante majorité a répondu la téléportation, qu’il s’agisse de personnes habitant les grandes villes souhaitant sans doute gagner du temps à celles habitant dans des zones reculées souhaitant découvrir le monde.
Finalement, Cyril Bruyelle n’a essuyé que peu de refus, à part peut-être la lettre laissée sans réponse qu’il a glissée dans la boite aux lettres du Président de la République française. Le projet grandissant, leur arrivée n’a été accueillie qu’avec enthousiasme et gratitude. “A la fin de l’interview, les gens nous remercient parce que ce sont des questions qui paraissent toutes bêtes, mais on oublie de se les poser et ça fait du bien de se les poser, nous ont-ils dit”.
Aujourd’hui, l’organisation créative a évolué. Elle a gardé une partie non lucrative pour continuer ses projets solidaires et a également développé un studio de création, via lequel leur savoir-faire est mis à disposition d’autres organisations, d’entreprises, d’ONG, d’institutions internationales, pour travailler sur des concepts, souvent audiovisuels, création de contenu vidéo, mais aussi événementiel. Ils collaborent par exemple avec l’association Les petits frères des pauvres, qui vient en aide aux personnes âgées en situation de précarité, afin d’organiser des évènements créant du lien entre les générations. Dans toutes leurs actions, leur ambition est toujours la même : un positionnement très fort sur l’humain, sur l’authenticité, sur la volonté d’aller cher du vrai .
À ce titre, l’organisation créative vient de sortir la Discuthèque, un jeu de discussion. Il présente 110 questions du monde entier sous forme de jeu de cartes, à se poser entre amis, en famille, entre inconnus, pour remettre un peu de conversation dans nos relations.” On a repris les 20 questions de base et les 90 autres ont été choisies parmi celles posées par des gens du monde entier”. La dernière des 20 questions est, en effet, “Et vous, quelle question aimeriez-vous poser au monde entier ?” On en retrouve un florilège dans le jeu, avec à chaque fois la photographie de la personne qui l’a posée.
Un engagement que Cyril Bruyelle explique par son caractère extrêmement sociable et curieux des autres, qui l’a emmené naturellement sur le chemin du lien. Il cite aussi un facteur plus conjoncturel, celui de la perte de lien social actuel. “On est beaucoup derrière nos écrans et il y a une polarisation des esprits qui fait que l’on a de plus en plus de mal à se parler. À notre toute petite échelle, on essaie de ralentir un phénomène qui n’est pas idéal pour l’être humain.
On peut retrouver le bureau et la boutique de 20 Questions to the world au 70, rue Sedaine dans le 11ᵉ arrondissement de Paris. Vous serez toujours les bienvenus pour échanger et jouer à un petit jeu.