Osny : “On n’enseigne pas par hasard en milieu carcéral”

Des enseignants s’impliquent, habités par la volonté de donner goût au savoir, à l’échange, jusque derrière les murs des institutions pénitentiaires. Exemple à la maison d’arrêt du Val-d’Oise.

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Ecole en prison : une envie d’aider

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02:08

Ecole en prison : des projets à foison

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03:53

Ecole en prison : des vocations s’éveillent

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08:06

Ancienne enseignante en Segpa (Section d’enseignement général et professionnel adapté), Carole Madec s’est toujours tournée vers ceux à qui on ne tend pas forcément la main. “Lorsqu’on est enseignant spécialisé, ce qui intéresse, c’est l’aide au public en difficulté, un intérêt pour la différence en général”, confie la récente responsable locale de l’enseignement à la maison d’arrêt du Val-d’Oise, qui anime par ailleurs des ateliers d’écriture et d’arts plastiques.

“L’enseignement en milieu carcéral est dans la même veine. Donc ça nous appelle aussi.” Un travail de co-construction des savoirs avec les élèves, de pédagogie inversée. “On n’est pas du tout dans un format de cours classique. On est très à l’écoute des niveaux. On a des groupes tellement hétérogènes ! Et du coup, ça fonctionne bien. On individualise beaucoup. C’est souvent multi-âges. Ça donne des profils de classe intéressants et différents au niveau de la culture, de l’histoire de vie.” 

Une démarche volontaire

Ici, les élèves arrivent de façon volontaire. C’est une démarche personnelle de la part du détenu, qui formule une demande. Si les missions prioritaires sont d’abord à destination des bas niveaux, quelques-uns suivent des cours à distance à l’université. Entre 200 et 250 détenus sont accueillis chaque semaine dans l’un des 28 cours dispensés par 19 professeurs en mathématiques, anglais, français, littérature, philosophie, histoire, géographie…  

“Le fait que ce soit volontaire va faire toute la différence entre des élèves qui posaient des soucis pendant leur scolarité et des détenus très assidus aujourd’hui”

“Le fait que ce soit volontaire va faire toute la différence entre des élèves qui posaient des soucis pendant leur scolarité et des détenus très assidus aujourd’hui. Ça change complètement la donne. On n’a aucun souci de discipline. C’est juste extraordinaire de donner des cours en milieu carcéral. C’est beaucoup plus facile en termes d’interactions. D’une part, il y a beaucoup de respect entre eux, mais alors vis-à-vis des professeurs, ça ne dérape jamais ! Ils sont vraiment très actifs en classe”, raconte, enthousiaste, Carole Madec. 

Une respiration intellectuelle 

Pour ces élèves, “c’est la bulle d’air, ça permet de réfléchir, d’avoir accès à des réflexions qu’on n’a pas l’occasion d’avoir quand on est en détention, quand on est enfermé 22 heures sur 24”. En philosophie, par exemple, la professeure va partir de textes pour en tirer toute la problématique et passer au débat, à l’échange, avec ce qui fait sens pour eux, entre cet auteur et ce qu’ils vivent, et qui ils sont, et leurs parcours, et nos chemins de vie. Pour tout le monde, parce que c’est très enrichissant pour un professeur également. Il y a plein de vrais sujets qui sont abordés. Sinon, ils n’accrocheraient pas.” 

Les progrès sont souvent fulgurants. “C’est extraordinaire de voir comme les lignes bougent pour certains. C’est beau ! On voit des élèves se passionner pour l’écriture, pour la littérature. Un jeune arrivé en atelier d’écriture en 2020, peut-être pour sortir un peu de cellule, avoir une source de respiration, écrivait tellement bien qu’on l’a inscrit sur le DAEU (Diplôme d’accès aux études universitaires, NDLR) Littéraire, qu’il a eu, puis s’est orienté sur une licence de lettres modernes à l’université de Rouen, et passe cette année en L2. Un exemple vraiment brillant et il y en a plein d’autres, qui n’avaient jamais écrit mais qui, à force de venir chaque semaine, se prennent au jeu. Ils disent “ça fait un bien fou”. Et combien, dans ceux qui sortent, quand ils nous disent au revoir, nous annoncent qu’ils vont continuer d’écrire ?! C’est extraordinaire !” 

Ce contenu audio a été diffusé le 12 octobre 2022 sur AirZen Radio. Maintenant disponible en podcast sur airzen.fr, notre application et toutes les plateformes de streaming.

Par Florence Jaillet

Journaliste

Agence de communication Perpignan