Christian Clot, l’explorateur des climats extrêmes

Dans la glace de Laponie, la jungle tropicale ou un désert brûlant, Christian Clot et ses climatonautes ont passé de longues périodes dans des conditions climatiques extrêmes. Objectif : comprendre l’impact du bouleversement climatique sur l’humain pour mieux s’y adapter.

Réécouter en podcast

Christian Clot : le cœur à l’exploration

Christian Clot : le cœur à l’exploration

02:03

Quel est l’impact de la chaleur extrême sur le corps et le cerveau ?

Quel est l’impact de la chaleur extrême sur le corps et le cerveau ?

04:18

Portrait : Christian Clot, explorateur extrémiste et optimiste

Portrait : Christian Clot, explorateur extrémiste et optimiste

08:17

S’adapter au changement climatique avec l’explorateur Christian Clot

S’adapter au changement climatique avec l’explorateur Christian Clot

30:32

Christian Clot est un extrémiste. Dans la pratique de ses expéditions, dans le cœur et l’investissement, mais pas dans les idées. Loin de nier l’urgence du bouleversement climatique ou de l’importance d’une action rapide et collective de l’humanité toute entière, il milite pour un futur souhaitable, vivable, adaptable, qui nous donnerait envie de nous battre.

Deep Climate, l’opération de l’extrême

« Notre monde subit des bouleversements successifs et concomitants :  environnementaux, sociétaux, technologiques. Et nous ne parvenons pas à réagir », explique l’explorateur. Son métier, il le doit à sa curiosité et à son héritage. Petit, il parcourait les forêts de sa région natale, fasciné par la nature. « C’est pour cela que je me bats. Tant pour l’arbre qui meurt à cause du réchauffement, que pour la jeune pousse qui surgit à côté », raconte-t-il.

Christian Clot revient tout juste d’une expédition de l’extrême. Une quarantaine de jours passés à près de 50 degrés (à l’ombre) dans un désert d’Arabie saoudite. Un parcours réalisé en équipe baptisée « les climatonautes ». Pour l’occasion, il a recruté des curieux, majoritairement novices. Nom de code de l’opération : Deep Climate.

Crédits : Human Adaptation Institute-Lucas Santucci

« On cherche à comprendre comment un humain, en tant qu’individu et en tant que part à un groupe, s’organise pour trouver un fonctionnement dans des conditions que l’on considère comme extrêmes. C’est-à-dire, quand il n’est pas dans son environnement habituel », explique l’explorateur. Ses recherches font pleinement sens : nous sommes dans une période de changements rapides, qui se mesurent à l’échelle d’une vie. Les nombreux rapports scientifiques, comme ceux du GIEC, indiquent que les conditions climatiques et sociétales évoluent déjà et pourraient être impactées de façon importante dans un monde à +2, +3 voire plus 4 degrés d’ici la fin du siècle.

Le comportement du corps et du cerveau changent

Les premières observations de Deep Climate sont claires. Soumis au froid, à l’humidité ou au chaud extrêmes, l’humain réagit et se comporte différemment. Tant au plan physiologique que comportementale.

« Il est très difficile à dire, dans le cas de la chaleur par exemple, si une température donnée est mortelle ou non pour l’homme. Attention donc à ce qu’on lit et qui peut être très alarmiste. Néanmoins, la chaleur a un impact certain sur le corps. Passée une certaine température, nous ne transpirons plus assez et l’hydratation devient difficile. »

Crédit Human Adaptation Institute-Lucas Santucci

L’impact se mesure aussi sur le cerveau. « On y pense moins, mais le cerveau se met aussi en mode survie pour échapper à la surchauffe. Il peut éteindre certaines zones, comme la mémoire ou la sociabilité, pour se maintenir. » En cas de fortes chaleurs, donc, les équipes de Deep Climat ont expérimenté une certaine désinhibition et une agressivité plus importante.  

Mais alors, qu’est-ce que cela veut dire ? D’une part, qu’il faut le prendre en compte pour la suite. Pour demain, l’effort doit être collectif. Mais si le sens du collectif est amoindri par la chaleur, il est absolument nécessaire de l’atténuer au maximum, pour que l’on puisse fonctionner, tout simplement.

« Il va ensuite falloir adapter nos sociétés. Sur les horaires, par exemple. Dans le désert, nous devions nous lever à 3 heures du matin pour marcher et profiter des heures les plus fraîches. Dans certaines parties du monde, cette adaptation existe déjà. Mais pour nous, c’est nouveau », détaille Christian Clot. En clair, si on maintient coûte que coûte nos habitudes, l’environnement hostile créera sur notre cerveau un véritable stress. Autant s’y adapter bien en amont.

Christian Clot : “Il faut susciter l’émerveillement”

L’impact de tels changements sur le cerveau peut aussi permettre de comprendre nos réactions à plus grande échelle. « Une adaptation anticipative est indispensable et préalable à toutes les autres ! Les rapports scientifiques nous disent que nous avons les solutions à porter de main. C’est vrai, mais elles sont techniques avant d’être humaines. Et elles sont inapplicables si nous n’emportons pas l’adhésion du plus grand nombre », explique le fondateur du Human Adaptation Institute.

Selon l’explorateur, il est d’abord important de féliciter les changements, les prises de conscience. De tirer vers le haut plutôt que de tirer sur ceux qui ne font pas. Il est aussi important d’insister sur l’échelle des choses. « Chacune et chacun peut et doit agir à son échelle. Moi, je peux décider de ne plus consommer de vêtements. Une cheffe d’entreprise peut décider de refondre totalement l’organisation de sa structure pour plus de résilience. Un sénateur peut modifier une législation… un chef d’État, n’en parlons pas ! Il ne faut plus rejeter la responsabilité sur l’autre uniquement », milite-t-il.

Crédit Human Adaptation Institute-M-Saumet

Pour Christian Clot, il faut aussi se donner le temps. « Quand on nous dit qu’il nous reste trois ans pour tout changer sinon on meurt, c’est inaudible. Cognitivement parlant », explique-t-il. Le cerveau peut légitimement évaluer la situation et se dire : je n’aurai pas tout changé d’ici 3 ans, alors, je baisse les bras.

Enfin, il faut susciter l’émerveillement. « Quand la charge mentale est forte, l’activité cognitive engendre une grande fatigue. Le sommeil est alors nécessaire pour que les neurones se régénèrent. Les études montrent que d’autres moments permettent cette régénération, ce sont les moments de plaisir, d’émerveillement. Le cerveau va se détendre et se reconditionner », expliquait l’explorateur dans une interview à HEP Éducation. Ainsi, pour donner envie de se battre pour l’avenir, il faut laisser entrevoir un avenir vivable où chacun aurait sa place. Si les prévisions scientifiques sont sombres, les scientifiques le martèlent néanmoins systématiquement : il n’est pas trop tard !

Ce contenu audio a été diffusé le 07 septembre 2023 sur AirZen Radio. Maintenant disponible en podcast sur airzen.fr, notre application et toutes les plateformes de streaming.

Par Olivier MONTEGUT

Rédacteur en chef adjoint

Agence de communication Perpignan