Isère : il reproduit l’ascension du mont Aiguille comme en 1492

Ça s’appelle de l’archéologie expérimentale. Il s’agit de se remettre dans les conditions de l’époque pour mieux comprendre les mystères de notre histoire.

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Mont Aiguille : vivre l’histoire dans son corps

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Mont Aiguille : la conquête de l’inaccessible

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Mont Aiguille : une escalade bien ficelée

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Au début de l’été, Stéphane Gal, maître de conférences en histoire moderne à l’université de Grenoble Alpes, s’est lancé dans une expérience peu ordinaire : l’ascension du mont Aiguille (Isère), comme cela a été le cas pour la toute première fois il y a 530 ans.

“On a acheminé des échelles et on a essayé de reconstituer une échelade, c’est l’étymologie du mot escalade, c’est-à-dire une ascension avec des échelles, comme ça s’est très probablement fait lors de la première ascension en 1492, réalisée par le capitaine Antoine de Ville, lequel prête alors son savoir militaire à l’ascension d’une montagne”, raconte Stéphane Gal. Il a ainsi acheminé quatre échelles en bois renforcées avec des parties en fer, à placer aux bons endroits, afin de retrouver les contraintes d’équipement de l’époque.

Cette ascension est la concrétisation d’un travail de plus de deux ans, réalisé à partir de textes, d’iconographies, pour “essayer d’aller au-delà des mots que l’histoire nous a laissés. Grâce à l’archéologie expérimentale, de façon à ce que nous-même nous frottions à la difficulté et nous retrouvions dans son corps, et dans un milieu qui n’a pas trop changé, la montagne, les contraintes, les sensations, les difficultés, qui pouvaient être celles d’une ascension en 1492, de mieux comprendre ce qu’il s’est passé il y a 530 ans”. 

“La montagne, à cette époque, fait partie de ces terres inconnues, de ces mondes un peu mystérieux, fascinants, voire terrifiants, que les hommes cherchent à connaître”

Et pour un historien, l’ascension du mont Aiguille est un moment particulièrement emblématique, qui a eu lieu la même année que la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. “C’est le même état d’esprit, cette idée de repousser les limites, de découvrir les recoins de la terre et, découvrant les recoins de la terre, découvrir les recoins de l’humanité, de l’homme. Cela participe à cet état d’esprit de reconnaissance, de curiosité, d’audace, d’exploration. Et la montagne, à cette époque, fait partie de ces terres inconnues, de ces mondes un peu mystérieux, fascinants, voire terrifiants, que les hommes cherchent à connaître”, explique l’universitaire.

La conquête de l’inaccessible

Une montagne, qui plus est, impressionnante, en forme de pic inatteignable, bien que l’étymologie soit plutôt à chercher du côté de l’eau. Des parois calcaires qui se détachent, un monstre impressionnant qui nous mire de ses 2087 mètres de hauteur, à tel point qu’il était surnommé le “mont inaccessible”.

Charles VIII, en exigeant l’ascension du mont Aiguille, a avant tout une intention politique : “Il va chercher à faire la conquête de l’inaccessible. Il veut démontrer que rien n’est inaccessible au roi de France. C’est donc une bataille qui se livre pour le roi, qui lui apporte la victoire. C’est peut-être une des premières fois qu’un roi tire une vraie gloire d’un espace naturel.” 

Pas un voyage dans le temps, mais, “en chaussant des chaussures de l’époque, en retrouvant des gestes des difficultés qui ont pu être rencontrés à ce moment-là, on goûte un petit peu, on approche un petit peu. C’est bien tout l’enjeu de l’histoire expérimentale. Notre corps devient le laboratoire, notre corps et nos sensations vont pouvoir produire des informations. C’est vraiment un travail qui est fait avec toute notre humanité, corps et esprit, pour faire de l’histoire, différente mais très complémentaire de l’histoire académique classique”, précise Stéphane Gal.

Ce contenu audio a été diffusé le 03 octobre 2022 sur AirZen Radio. Maintenant disponible en podcast sur airzen.fr, notre application et toutes les plateformes de streaming.

Par Florence Jaillet

Journaliste

Agence de communication Perpignan