Consommation : quelle est la place de la seconde main aujourd’hui ?

C’est le thème d’une table ronde qui a eu lieu à AirZen Radio entre Nathalie Kaïd, directrice de création de l’Atelier d’éco Solidaire, et Alizon Defrance, créatrice de contenu qui a fait le choix de l’occasion comme mode de consommation.

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Les limites de la seconde main

Les limites de la seconde main

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Comment bien consommer de seconde main ?

Comment bien consommer de seconde main ?

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Nathalie Kaïd, Alizon Defrance : la seconde main, un mode de vie

Nathalie Kaïd, Alizon Defrance : la seconde main, un mode de vie

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Consommer en seconde main

Consommer en seconde main

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D’occasion ou reconditionné, acheter en seconde main est de plus en plus courant pour les Français. En 2022, ce marché représentait ainsi 7 milliards d’euros (hors achat en ligne) sur le territoire et a connu une progression de 180% entre 2019 et 2022. Cette croissance a été soulevée lors d’une enquête de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance. Le marché concerne aujourd’hui plusieurs secteurs comme le textile, l’électroménager, le livre, le hi-fi, le sport.

La place de la seconde main a fait l’objet d’une table ronde, à AirZen Radio, entre Nathalie Kaïd et Alizon de France. La première, bordelaise, est directrice de création de l’Atelier d’éco Solidaire, recyclerie créative, et cofondatrice d’Ikos, une boutique de seconde main. À ses côtés, Alizon Defrance, stand-uppeuse et créatrice de contenu qui a fait le choix de ne s’habiller qu’avec des vêtements de seconde main. Elle profite également des réseaux sociaux (TikTok et Instagram) pour partager ses adresses et ses trouvailles à ses milliers d’abonnés.

Nathalie Kaïd. Photo Fanta Ngo Biyong/AirZen Radio

AirZen Radio. Quel est votre rapport avec la seconde main ?

Nathalie Kaïd. Quand j’étais à Paris, que j’étais photographe, je trouvais beaucoup de choses dans la rue, parce qu’il n’y avait pas de déchetterie à proximité. Les gens se servaient. J’ai toujours transformé avec mon père. Le recyclage est donc quelque chose d’inné chez moi. Aujourd’hui, ça fait 35 ans que j’en fais mon métier. D’ailleurs, j’avais fondé avec mon mari un magazine, “Créamania”, pour expliquer aux gens comment transformer, réparer du mobilier que l’on a déjà et comment lui donner une seconde vie.

Alizon Defrance. J’ai dans mon appart’ uniquement des choses de seconde main. Et j’ai été sensibilisée à l’écologie très jeune par mon père. Et je pense qu’au moment de la vie étudiante et qu’on se prend en main tout seul, il y a eu un enjeu économique. Mon premier réflexe à cette époque, quand j’avais besoin de quelque chose, c’était de chercher sur des plateformes de seconde main, d’aller dans des ressourceries, parce que c’était d’abord moins cher. Après, c’est devenu un peu un jeu, une chasse au trésor, d’essayer de dénicher le petit objet qui va faire que je l’aime beaucoup.

Nathalie Kaïd. En fait, la seconde main, ce n’est pas une impulsion d’achat. On peut prendre du temps. Et puis, quelques fois, on ne trouve pas du tout ce qu’on cherche.

D’ailleurs Alizon, bien que vous ayez toujours été sensibilisée à ce mode de consommation, c’est bien plus tard que vous vous êtes intéressée aux vêtements seconde. Pourquoi ?

Alizon Defrance. Je pense que, comme beaucoup, j’ai été informée tard. J’étais depuis longtemps très sensibilisée à la nourriture, au consommer local, de saison, végétarien. Mais avec le vêtement, j’ai eu ma grosse période fast fashion. On vit dans une société où il faut tout de même paraître. Au lycée, à la fac, j’avais envie d’être toujours bien habillée, avec toujours plus de nouvelles fringues. J’ai donc eu cette période d’achats très compulsifs de vêtements neufs. Puis, j’ai réalisé que ça ne collait pas du tout avec mon mode de consommation. J’ai creusé petit à petit. Au fil des années, j’ai acheté de moins en moins de neuf, jusqu’à arrêter quasi totalement quoi. Quelquefois, c’est compliqué, je fais face à des petits débats intérieurs.

Alizon Defrance. Photo Fanta Ngo Biyong/AirZen Radio

En tant qu’influenceuse sur les réseaux sociaux, considérez-vous que vous avez une responsabilité ?

Alizon Defrance. Oui, c’est sûr. Je ne peux plus trop promouvoir des choses qui sont incohérentes avec ma consommation. Je suis souvent démarchée par des marques de prêt-à-porter. Dès qu’elles ne sont pas écoresponsables, je refuse, parce que ça me dérange, même si, parfois, j’ai envie de craquer sur un jean ou un truc qui me fait de l’œil. Mais si la marque n’a pas un minimum d’engagement sur la matière ou le lieu de fabrication, c’est non. Je pense que c’est important de tenir cet engagement et je peux me permettre de le faire.

Finalement, quels profils constituent votre communauté ?

Je ne fais pas que de l’influence, donc j’ai un public assez varié. Mais je pense que ce sont a priori des gens qui me ressemblent, qui sont dans ma tranche d’âge, des jeunes adultes, des jeunes parents. Il y a aussi des personnes de 40-50 ans. Ce sont des gens conscients des enjeux écologiques, qui ne sont pas parfaits dans leur comportement, mais qui ont envie de tester, de s’informer. Je trouve ça bien, parce que j’ai l’impression qu’on évolue ensemble.

Quelles sont selon vous les limites du marché de la seconde main ?

Nathalie Kaïd. Personnellement, je me suis intéressée aux vêtements de seconde main il y a une vingtaine d’années. Mais ça peut être compliqué d’en trouver puisque le marché regorge de tailles “classiques”. Quand on est sur des tailles qui vont passer le 46-48, on trouve beaucoup de moins de choses. Je ne sais pas pourquoi. Il faut vraiment que les personnes qui portent des grandes tailles s’y mettent, que leurs vêtements soient aussi dans les vide-dressing, qu’on puisse en profiter.

Alizon Defrance. J’ai souvent ce retour de membres de ma communauté qui me disent c’est bien mignon de partager des adresses de friperies etc., mais qu’ils ne trouvent pas leur taille. Et c’est vrai que même les personnes qui portent des petites tailles peuvent, avec un t-shirt XL, faire quelque chose d’over size, stylé. Et, à l’inverse, faire d’un t-shirt petit un crop top. Mais il y a des tailles avec lesquelles on ne peut pas se permettre de jouer là-dessus.

Il y a aussi le fait que la seconde main ne soit pas forcément accessible géographiquement à tout le monde…

Alizon Defrance. C’est vrai que l’endroit où on habite a un rôle. C’est facile dans certaines grandes villes. Quand on est à Paris, par exemple, pas d’excuse. Il y a des friperies à tous les coins de rue, pour tous les goûts, pour tous les budgets. Mais pour les personnes en milieu rural, il y a un peu moins de choix. L’autre possibilité, c’est les friperies en ligne, même si je ne suis pas une adepte.

Nathalie Kaïd. En ligne, il y a aussi un marché qui s’est créé. Il faut faire attention d’où ça vient, etc. Il faut se rendre compte que le marché du vêtement de seconde main est énorme. Aussi, maintenant, quand vous revendez vos vêtements, même à petit prix, ça écrème tous les vêtements vraiment sympas, beaux, qui pourraient se retrouver en recycleries, ressourceries et relais, qui se retrouvent avec des vêtements pas super. Derrière ces structures, il y a des projets, une cause, de l’insertion, du travail.

Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui souhaitent se lancer dans la seconde main ?

Alizon Defrance. Ce serait de commencer à avoir un réflexe. Dès qu’on a une envi, il faut appliuer la technique du BISOU (Besoin, Immédiat, Semblable, Origine et Utilité). Il faut se poser une question quand on a une envie : est-ce que j’en ai besoin ? Si c’est le cas, on peut alors regarder si on peut le trouver en seconde main.

Nathalie Kaïd. Le mien serait de se faire plaisir. Il faut se faire plaisir quand on achète de la seconde main. On y vient petit à petit. Il faut garder cette envie, ce plaisir. C’est déjà un premier réflexe pour mieux faire à l’avenir et réfléchir à savoir si on en a réellement besoin. Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas.

Ce contenu audio a été diffusé le 11 janvier 2024 sur AirZen Radio. Maintenant disponible en podcast sur airzen.fr, notre application et toutes les plateformes de streaming.

Par Jennifer Biabatantou

Journaliste

Agence de communication Perpignan