Efficace contre les reines fondatrices au printemps, le piège à frelons asiatiques devient, dès le mois de juin, un véritable danger pour les insectes utiles de nos jardins. Pourquoi ce geste, que l’on croit salvateur, peut-il nuire à la biodiversité ? On fait le point, preuves et témoignages à l’appui.
Ce petit piège artisanal qui rassure… mais qui, en juin, fait plus de mal que de bien
Je l’avoue, j’ai été le premier à sortir ma bouteille percée et mon appât maison dès les premiers beaux jours. Un piège artisanal accroché près du buddleia, là où bourdonnent mes abeilles préférées. Chaque frelon capturé, c’était comme une mini-victoire. Une façon de protéger mon petit monde. Mais voilà, les semaines passent, et ce que je prenais pour un geste écolo se révèle être un faux ami de la biodiversité.
C’est que le timing est crucial. En mars-avril, les reines fondatrices du frelon asiatique (Vespa velutina) sortent d’hibernation. Elles cherchent à se nourrir, à repérer un site pour leur nid, bref, elles sont vulnérables. Et c’est justement là que les pièges sont utiles. Cette année, rien qu’en Auvergne-Rhône-Alpes, plus de 34 000 frelons asiatiques ont été capturés selon France 3 Régions. Un chiffre impressionnant qui montre que la mobilisation fonctionne.
Mais à partir de fin mai, tout change. Les reines ont trouvé refuge – souvent bien planqué dans une haie ou un abri de jardin oublié – et s’occupent désormais de leur couvée. Elles ne sortent plus, ou très rarement. Résultat : les pièges n’attrapent plus que les autres. Guêpes, papillons, mouches, frelons européens… ce petit monde indispensable à notre écosystème qui, lui, continue de voler naïvement vers ces appâts sucrés.
Sandrine Orry, apicultrice au GDS 69, alerte depuis plusieurs années : « Garder les pièges en juin, c’est comme laisser une tapette à souris dans un champ de coquelicots… On ne cible plus rien, on massacre au hasard. »
Piéger moins, observer mieux : les bons réflexes à adopter au jardin
Ce que beaucoup de jardiniers ne savent pas, c’est que les frelons européens ne sont pas nos ennemis. Ils participent même à réguler les populations d’insectes, comme les mouches ou certaines chenilles ravageuses. Alors, en continuant de piéger à l’aveugle, on risque de dérégler un équilibre fragile. C’est un peu comme soigner une fièvre avec un lance-flammes…
Dans les 27 villages des Monts du Lyonnais, une grande campagne de piégeage a été lancée ce printemps, soutenue par la communauté de communes. Une initiative louable, mais qui doit absolument s’arrêter à temps. Sinon, le coût écologique risque de dépasser les bénéfices de ces premières semaines.
En juin, voici les bons réflexes à adopter :
- Retirer tous les pièges à frelons asiatiques dès la fin mai
- Ne pas piéger les frelons européens, guêpes ou autres pollinisateurs
- Signaler les nids secondaires sur frelonsasiatiques.fr
- Observer ses ruches, arbres, coins de jardin : les nids sont souvent bien cachés
- Préparer une nouvelle stratégie pour juillet-octobre, avec des appâts adaptés et des pièges placés loin des zones sensibles
- Ne jamais tenter de détruire un nid seul : faites appel à un professionnel
Le mot-clé ici, c’est observation. En juin, les ouvrières commencent à sortir, les nids secondaires se développent, parfois jusqu’à atteindre la taille d’un ballon de foot ! C’est là qu’il faudra agir à nouveau. Mais pas tout de suite.
Et si, en juin, le mieux était… de ne rien faire ?
J’aime cette idée. En jardinage, on a souvent l’impression que tout repose sur nos mains. Mais parfois, la meilleure action, c’est justement de lever le pied. De laisser un peu d’espace au vivant. Retirer ses pièges, c’est offrir une trêve aux alliés invisibles de nos jardins. Une respiration pour l’été à venir.
Alors, vous l’avez fait ? Vous avez décroché vos pièges ? Vous avez croisé un papillon que vous n’aviez pas vu depuis des années ? Racontez-moi, je lis tout. Et si vous tombez sur un nid suspect… ne jouez pas les héros. Appelez les pros, et continuez d’observer.